La question que soulève la loi Dulpomb — du nom d’un sénateur français — ne porte pas tant sur son contenu que sur la manière dont l’opinion populaire s’exprime contre elle… et surtout sur la façon dont cette opposition est perçue par une certaine frange de la classe politique.
Les démocraties se ressemblent, mais leurs fonctionnements diffèrent profondément. En dresser une typologie exhaustive serait aussi fastidieux qu’un inventaire à la Prévert. Ce qui importe ici, c’est le regard porté sur l’initiative citoyenne qu’est la pétition — et sur le succès qu’elle rencontre. Malgré une forme d’intelligence collective qui évite de bloquer le pays par des manifestations, l’outil de la pétition reste, en France, sous-estimé, mal-aimé, décrié — à peine reconnu comme un acte politique légitime.
Évidemment, comme tout texte citoyen, la pétition contre la loi Dulpomb aurait pu être « meilleure » : plus argumentée, plus technique, plus longue, plus obscure, plus pédante — bref, de quoi satisfaire les puristes de la langue et les gardiens du temple administratif. Mais ce serait passer à côté de l’essentiel : la clarté du message, la portée du questionnement, la volonté d’alerter.
Car, au fond, cette pétition pose une vraie question : faut-il interdire par principe de précaution ? Dans un contexte où les États européens doivent faire des choix budgétaires difficiles, et où le secteur de la santé semble être sacrifié au profit des dépenses militaires, ne serait-il pas temps d’appliquer ce principe de précaution à nos choix politiques eux-mêmes ?
Et surtout, il ne s’agit pas d’un petit groupe de mécontents. C’est un nombre significatif de citoyens qui interpellent, qui demandent à leurs représentants de se poser, enfin, les bonnes questions. Faire campagne, c’est une chose. Écouter ensuite, c’en est une autre.
Que le cadre institutionnel français limite la portée d’une pétition, soit. Mais la politique, c’est aussi l’art d’évoluer. Les règlements peuvent changer. Les institutions peuvent s’adapter. Et la classe politique peut — et doit — penser plus loin que sa propre réélection.
