Quand les classes populaires votent pour ceux qui ne les aideront jamais

Il y a un phénomène fascinant, et tragiquement récurrent, dans la politique moderne : la conviction profonde, presque religieuse, d’une partie des classes populaires que l’extrême droite va enfin “s’occuper d’eux”. Qu’elle va résoudre leurs frustrations, leurs galères, leur fatigue, leur sentiment d’abandon.

Mais ce qui compte, ce n’est pas la réalité. C’est la promesse. Et l’extrême droite, en termes de promesse simple et émotionnelle, joue en Ligue des Champions.

Elle dit :
“On vous a oubliés.”
“On va régler vos problèmes.”
“On vous rendra votre dignité.”
Traduction : Donnez-nous le pouvoir, on vous donnera quelqu’un à accuser.

Parce que c’est ça, la clé : donner des coupables, pas des solutions. C’est toujours plus facile de pointer du doigt que de construire des politiques publiques. Plus facile de parler d’identité que de logements sociaux. Plus facile de dénoncer un “eux” abstrait que d’augmenter les salaires.

Les frustrations populaires sont réelles :

  • salaires qui stagnent,
  • loyers qui explosent,
  • emplois précaires,
  • administration déshumanisée,
  • sentiment que tout coûte plus cher sauf le respect.

Mais l’extrême droite ne propose jamais de s’attaquer à la racine du problème. Elle propose de s’attaquer à la branche la plus visible : l’étranger, l’assisté, le voisin qui ne ressemble pas à la photo sur leur calendrier électoral. C’est un prodige politique : détourner une souffrance sociale vers une guerre culturelle.

Et ça marche. Parce que lorsqu’on souffre, n’importe quelle explication simple paraît rassurante. Même si elle est fausse. Surtout si elle est fausse. Les politiques économiques des extrêmes de droite sont souvent les plus défavorables aux classes populaires :

  • réduction des protections sociales,
  • affaiblissement des syndicats,
  • cadeaux fiscaux aux grandes entreprises,
  • baisse de l’investissement public,
  • attaques contre le logement social (trop impur idéologiquement).

Mais la magie opère : tant que le discours reste musclé, tant qu’on promet “l’ordre”, tant qu’on agite les mêmes boucs émissaires, l’illusion reste intacte.

C’est un peu comme un mauvais médecin : il ne soigne pas la maladie, mais il donne une explication qui fait du bien sur le moment. Jusqu’au jour où on réalise que le traitement était du sucre… et que l’infection a gagné du terrain.

La vraie trahison, la plus cruelle, c’est que les frustrations des classes populaires sont utilisées comme carburant politique, jamais comme moteur de solutions. On instrumentalise la colère, mais on ne la soulage pas. On récolte les voix, mais jamais les problèmes.

Les classes populaires méritent mieux : des politiques publiques réelles, des investissements massifs, des logements accessibles, des salaires décents, de la dignité qui ne dépend pas d’un slogan anti-quelque-chose.

Parce que la dignité ne vient pas de l’exclusion. Elle vient de la justice. Et pour l’instant, l’extrême droite ne distribue pas de justice. Elle distribue des fantasmes politiques emballés dans du ressentiment recyclé.

Un jour, peut-être, on verra que la colère n’est pas un programme. Et que ceux qui la cultivent ne la résolvent jamais.

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