La santé à prix cassé : le paradoxe du siècle

On vit dans un monde fascinant : on dépense des fortunes à inventer des traitements révolutionnaires, et dans le même temps, on pleure sur le coût de la santé. On veut la médecine du futur, mais au prix du passé. On veut soigner tout le monde, mais sans que ça coûte rien à personne. Et surtout, on veut croire qu’avec un peu de “prévention”, tout ira bien.

Ah, la prévention. Ce mot magique, cette formule rassurante qu’on brandit à chaque débat budgétaire. Comme si se brosser les dents empêchait les caries à vie, ou comme si courir quinze minutes par jour immunisait contre le cancer. La prévention ne remplace pas le traitement. Elle retarde le problème, parfois. Mais elle ne supprime ni la vieillesse, ni les gènes pourris, ni les accidents de la vie.

Et pourtant, nos gouvernements — experts en comptabilité morale — adorent ce discours. Ils font mine d’avoir découvert une économie miracle : moins de soins, plus de santé. C’est beau comme slogan, ça tient sur un PowerPoint, et ça fait applaudir les ministres des finances. Le problème, c’est que la biologie n’a jamais lu leurs rapports.

On rêve d’un système médical où tout serait “optimisé” : moins d’examens, moins de médicaments, moins d’hôpitaux. On appelle ça “rationaliser”. En réalité, on déshabille la médecine pour la faire rentrer dans le budget. Et tant pis si les patients, eux, ne rentrent pas dans les cases.

La vérité, c’est qu’on ne peut pas à la fois célébrer le progrès médical et exiger qu’il coûte moins cher. Ce n’est pas un fast-food où tu choisis ton menu santé-économie. Chaque nouvelle molécule, chaque appareil de diagnostic, chaque traitement innovant coûte une fortune à inventer, à tester, à rendre sûr. Et c’est normal : sauver des vies, c’est un peu plus compliqué que fabriquer des trottinettes électriques.

Mais on continue à faire semblant. On annonce fièrement des milliards d’économies sur le dos des hôpitaux, pendant qu’on applaudit les chercheurs qui découvrent des thérapies géniques hors de prix. On veut la science de demain, mais avec les impôts d’hier. Et quand le système craque, on fait des campagnes d’affiches : “Bougez plus, mangez mieux.” Génial. Pendant que l’on ferme des lits, on ouvre des slogans.

Peut-être qu’un jour, on admettra l’évidence : la santé, ça coûte cher parce que la vie est fragile. Et qu’on ne peut pas industrialiser la compassion ni rationaliser la maladie. Entre le coût d’un traitement et la valeur d’une existence, il faudra bien choisir ce qu’on veut vraiment optimiser : les chiffres… ou les gens.

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