Consommer local : quand la complexité sert (parfois) la simplicité.
Dans une société en perpétuel mouvement, l’ancrage local apparaît comme une réponse à bien des maux contemporains. Les offres se multiplient, les messages s’embrouillent, et la question « Que veut-on vraiment dire par consommer local ? » semble à la fois simple et insaisissable.
Aujourd’hui, on ne parle plus seulement de ce qu’il est bon de consommer, mais aussi de ce qui est bon pour la planète. L’intention est louable, mais gare aux dérives.
Le marché du coin, ou la bonne conscience en étal
Quel plaisir de flâner au marché hebdomadaire. Quelle joie de découvrir que de plus en plus de marchands sont « de la région ». Les petits panneaux « Produit local » s’affichent fièrement. On se dit qu’en achetant ici, on soutient l’emploi local (mais comment sont-ils rémunérés ? Existe-t-il une convention collective pour les commerçants de proximité ?) et qu’on fait un geste pour la planète.
Mais est-ce vraiment aussi simple ?
Oranges locales ? Vraiment ?
Premier point à clarifier : la provenance réelle des produits. Tous les fruits et légumes présents sur l’étal ne viennent pas forcément de votre région. Exemple emblématique : les oranges. Si vous vivez à Paris, il est peu probable que des oranges soient cultivées à moins de 600 km. Vous achetez donc des oranges… chez un commerçant local. L’honneur est sauf ? Pas si vite.
Le producteur vend-il uniquement ce qu’il cultive ? Ou achète-t-il aussi à d’autres ? Quelles sont les filières utilisées ? Les pratiques sont-elles respectueuses de l’environnement et des travailleurs ? Est-ce bio ? Pas bio ? Mystère.
On exige de plus en plus de transparence des grandes enseignes et des multinationales. Pourquoi ne pas exiger la même chose des commerces locaux ? L’idéalisation naïve du commerce de proximité finit par desservir sa propre cause, au profit de quelques dilettantes bien installés.
Consommer local… oui, mais intelligemment
Si je veux consommer local — que ce soit pour l’alimentation ou d’autres biens — je dois commencer par me poser les bonnes questions. Mais pas trop non plus, hein. Il ne faudrait pas que le local devienne une source d’angoisse existentielle.
Pourquoi consommer local ? Quelques pistes :
- réduire mes déplacements,
- recréer du lien social,
- faire vivre les petits commerces,
- mieux manger,
- accéder à des produits de meilleure qualité.
Mais pour ces deux derniers points, je dois souvent me contenter de faire confiance, faute de labels ou de traçabilité. Sauf peut-être chez mon boucher.
Je dois aussi renoncer à la disponibilité immédiate de certains produits. Réduire mes achats en ligne, limiter mon empreinte carbone… Même si, soyons honnêtes, j’achèterai probablement encore mes graines de quinoa cultivées à 12’000 km, sans savoir ni comment, ni par qui. Mais c’est pas grave, je consomme local.
Et mes pierres pour le bien-être ? Importées de pays où les conditions d’extraction sont… douteuses. Mais le commerçant local est sympa, alors ça passe.
Bonne ou mauvaise idée ?
Consommer local est une bonne idée.
Mais pas n’importe comment.
Pas de manière dogmatique. Pas avec des œillères. Pas en oubliant de poser les bonnes questions.
Il est temps de mettre en place de vrais outils de traçabilité et d’évaluation de la qualité. Ce sont les consommateurs qui, in fine, feront évoluer les pratiques — à moins que les ultra-militants n’empêchent toute nuance.
Bref, j’essaie de consommer local… intelligemment.
